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Tiré de Treizpectives
Perspectives XIII - numéro 881
Noir = Jocelyn
Bleu = Mélanie

La biche aux vagues nerfs
par Jocelyn Gagnon et Mélanie Cossette-Gagnon
29 février et 1er mars 1992

La vie est toute en «came»… on dit qu'elle ose iris et que nouille par brise. Croyons durant quelques heures que la pluie dépasse la ligne rouge quasi invisible; que l'apnée se mange et les grille-pain savent nager. Voici donc l'histoire de l'ongle, incarné par Wagner, qui justement «vaguait» sur les cordes d'un piano en bois d'asperges.

La biche était aux «aboie», et comme la caravane passait, le Petit Chaperon rouge se faisait manger par la méchante belle-mère. Quelle méchant petite biche! se serait dit sa mère si elle l'avait aperçue à ce moment-là, et elle prit alors la décision de chercher un but à son chemin, en commençant par le début. Chiche, la biche ne donna qu'une miche au comte De Guiche de la niche en friche qui s'affiche aux riches mais cela, on s'en fiche! En fait, si elle avait rencontré le Petit Chaperon rouge en plein bois avec une carabine, elle aurait sans doute préféré se faire tirer une balle entre les deux jambes que de mourir née. Et ça, c'est très peu recommandé pour se «déplatdemargarinenplastiquiser», Petit Chat peur ou pas.

- Sans vouloir trop appuyer sur la chanterelle, avait cru bon de dire la femelle du cerf, j'ajouterais qu'il suffit d'un rien pour qu'il ne se passe pas grand-chose, et que c'est justement lorsqu'il y a apparence de non-sens qu'il ne faut pas se fier à ce que nos yeux s'imaginent qu'on voit.

- Amanite tue mouchez-vous donc, plutôt que de bramer tout ce qui ne vous passe pas par la tête, parvint à articuler le Sphinx-Terre qui éprouvait des difficultés à se retenir, vous contribuerez ainsi à faire reculer la cause scientifico-cerf-velle…

Un ressac s'ensuivit alors, entraînant la biche et le lion à postérieur de femme en un abysse globuleux.

C'est alors que l'ongle, incarné par Wagner, leur lança son collier de puntarelle pour les sauver de ce sort peu enviable. Mais comme toujours, c'était relativement inutile, il fallut attendre qu'un faon passe dans le coin, et que le coin soit à angle droit, sinon il aurait été impossible de refaire le coup du Chaperon à chapeau carré. Ils n'eurent pas d'autre solution que de franchir la Marche Nuptiale, en une enjambée spectaculaire, à en faire tomber les taches du faon. Malheureusement, les rôties brûlèrent, faute de bouée de sauvetage, et le piano s'étouffa. Tout était à recommencer.

L'ongle entreprit plutôt de danser le zapatéado avec le plus de gens possibles, pour voir s'il se ferait écraser (peut-être trouverait-il une biche non-fumeuse qui jouerait le rôle du dominant…) Tout se déroulait à merveille, jusqu'à ce que l'appendice cutané non capillaire se retrouve couvert de «prune framboisée #5», de la lunule à la pointe. Le zapatéado tourna en fajita, avec sauce piquante. Tout était à recommencer.

Heureusement, un second ressac, plus volumineux que le premier, ramena le Sphinx-Terre sur terre, et il se mit aussitôt à poser des questions à tout ce qui bougeait. Celui-ci se trouva pris à son propre jeu lorsque vint le tour de Réal Giguère.

- Pardi! se contenta-t-il de maugréer. Si j'avais su qu'on allait m'inclure dans cette histoire, je n'aurais certainement pas mis cet habit ridicule (il l'était, en effet) et j'aurais changé de nom!

- Tout le monde vous aurait reconnu, s'était contenté de préciser le Sphinx, et ça n'aurait rien changé.

Pendant ce temps, une étrange métamorphose se produisit chez la biche à force d'abois, ceux-ci avaient entrepris de lui pousser sur la tête. Une biche à bois…

- Étrange… fit l'ongle en se frottant l'abulgo.

Mais il comprit bien vite: Réal Giguère et le Sphinx rivalisaient d'ingéniosité avec toutes sortes de questions telles:

- Qui a eu l'idée d'inventer les bibelots?
- D'où vient le pâté chinois?
- Pourquoi y a-t-il un seul «m» à pomiculteur?

- Pourquoi dort-on avec un oreiller?
- Pourquoi le papier est-il blanc?
- Qui a décidé qu'on pouvait faire du beurre avec les arachides?
- Combien faut-il d'ampoules pour changer un piano?
- D'où vient l'expression «Allô»?

- Pourquoi a-t-on un nez au milieu du visage?
- D'où vient le temps?
- Tant vient le doux?
- Qui a inventé les déchets?
- Pourquoi le peuple aurait-il absolument besoin de «pain et de jeux» et non pas d'eau et de savoir?


et ainsi de suite…

Au bout de quelques minutes, la biche avait fini par être enveloppée tout entière dans ses bois, une sorte de cocon cérébral qui l'empêchait de voir le monde et qui aurait dû lui permettre de tout comprendre. Mais l'ongle ne l'entendait pas de cette façon… Il donna sa clef au pâtre et de la vie toute en came on n'entendait plus goutte. Wagner abdiqua alors et décida de se réincarner en hémisphère crapuleux. La biche vagit, le Sphinx braya, Réal Giguère jugula.

- Je crois que nous sommes acculés aux mûres sauvages, lança le Sphinx. Et moi qui n'ai d'yeux que pour les framboises!

- Je préfère nettement les danoises aux saucisses marinées et aux acacias hydro-électriques de mère-grand, renchérit sentencieusement le Petit Chaperon Roux-Jeux. Malheureusement pour vous, j'ai dû quérir celle-ci chez Tim Horton, mon aïeule se situant quelque part entre la sévicule libiaire et le tintestin lêgre de l'immonde sorcière!

Wagner s'écria: «Lâche! Vauchée! Dévale qui rit…»

- Avez-vous bientôt fini de vous plaindre?! crièrent tous les autres. Vous pouvez partir, nous terminons le repas sans vous!

Seulement, tout hémisphérique qu'il fût, il ne put que tanguer bêtement, se ridiculisant ainsi devant l'Olympe de ses yeux.

- Shiite de mer deux!! Croc tint d'hypermétrope à la coquille d'espadon!! Ne restez pas là à vous gaver de mon ascèse sphigmomalométrienne, gargouilla-t-il.

La biche en avait plus assez que les autres. Wagner se coucha par terre avec un beau trou rond sur la troisième ride eau fin.


Riz dauphin

© 1992
Jocelyn Gagnon et Mélanie Cossette-Gagnon

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