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Collaboration en personne, chez Josée, à Salluit, au Nunavik
Noir = Jocelyn
Bleu = Josée

Effluves boréales: cinq mois plus tard
par Jocelyn Gagnon et Josée Savard
14 mai 2003

Camille la chatte et son transporteur

Camille était dans son transporteur rectangulaire, réfléchissant hypothétiquement à la condition des cuisses humaines, des cuisses, oui! L'endroit idéal pour trouver la confusion des genres. Camille ne s'abaisse pas, en effet, à de telles considérations. Elle est déjà basse sur ses petites pantoufles de peau bien tannées. Elle programma son transporteur pour aller voir les enfants de... elle ne se souvient jamais des noms... Disons qu'elle programma leur visage dans la machine. Mais une surprise l'attendait. Ben oui! En arrivant, il y avait une boîte pleine de gras d'enfants fondus! À force de leur chauffer les fesses, les enfants en avaient perdu leur gras. Camille respira les vapeurs du mou mou. Dou-ce vo-lu-pe-té, comme disait l'autre! La machine, autour de sa porte, était noyée de salive. Camille vibrait au son du ventilateur et s'apprêtait à miauler sauvagement son et image. Elle était dans l'état duquel auquel elle préférait ne pas être lorsqu'elle était dans cet état! Le mystère toujours mystifiant est revenu la hanter. Est-ce possible, se dit-elle, que les enfants me fassent un tel pied de nez? J'arrive en pleine histoire de fesses et je ne pense qu'à manger. C'est le Chinois qui trouverait ça ironique. Mais je ne devrais pas en parler, ça porte malheur. Il pourrait en arriver un... «quand on parle du Chinois». Bref, elle passa de réflexion en réflexion, et comme sur une cuisse elle n'arrêtait plus. Frustrée de sa condition de chatte, elle monta dans le transporteur, et retourna à Salluit où il fait bon gratter le tapis.

Le loup blanc et le chasseur philosophe

Le loup blanc nous regarda passer en levant le sourcil droit. Il avait du mal à le lever à cause de son épaisseur qui l'atterrait misérablement. Sans sa meute, en effet, le loup est con. Il n'y peut rien, c'est sa condition innée. Cependant, une étincelle d'espoir luit quand un chasseur philosophe passe par là en lui lançant de l'oeil la même incapacité. Quelle étape décisive dans la vie louvoyante! Un loup con sur une montagne, un philosophe qui ne tire qu'après avoir touché le fond de sa bêtise, voilà une histoire digne de ce nom! Et nous, de loin, nous les voyons comme de petites lettres et nous essayons d'en faire des mots dans une langue plus ou moins compréhensible. Pas facile quand on porte des lunettes et qu'on ne les porte pas! C'est comme la négation d'un positivisme neutre: pas moyen de faire exploser une implosion. Mais bref, ce qui importe, c'est que le loup, en fait, retire de l'impôt de son commerce de pince à sourcils. Supposé qu'il en fait un «coffre» à gants, la pince devient fort utile puisqu'on peut difficilement se glisser à l'intérieur. Ça devient anti-voleur pis toute! Le renard n'a qu'à bien se tenir, et ne parlons pas du lièvre, stupéfié! Quand au chasseur, «Petit-petant», parti pour se faire ridiculiser par tout le village, il garde le sourire. Il le faut bien: «Chasseur sans chien sèche ses chemises qui perdent leur place.» Alors, il se résigne, pendant que le loup ricane et, en fait, se fout pas mal de savoir si sa vie est censée. Il fait son signe de la croix, vise le loup, et tire. Un bref silence suit: «Criss, j'ai encore manqué ma shot! Pourquoi?!»

Tuba bien, tuba très très bien

Lorsque le son du tuba résonna au fond de la scène, un trisomique hurla dans la première rangée, et la foule murmura, embarrassée. Le chef d'orchestre reconnut en lui le même son qu'il avait entendu jadis, lors d'une soirée de rumba classique. Les baguettes en l'air, il bougeait comme une poule sans tête au carnaval de Rio, mais les musiciens ne comprenaient pas ce langage volatile, pour ne pas dire volaille. Le tubiste était détubisté! Lui qui rêvait de pondre un chef-d'oeuvre avec cet homme n'avait devant ses yeux qu'une graine! C'était très humiliant. Il se leva et alla boire un verre au bar du coin, le «Bart-à-bas». Là, il rencontra sa muse, une lectrice de nouvelles défroquée qui sculptait des horizons lointans, très horizontaux. Quel envoûtement! Son regarde de lectrice le captura et l'amena vers l'inspiration. Il retourna alors à l'orchestre et confronta le chef. Celui-ci reçut une tarte à la crème en plein visage, de la part du percussionniste, et le prit bien. C'était offert un peu raide, mais la tarte à la crème, d'aussi loin qu'il pouvait se souvenir, était son dessert préféré: «Ça rentre au poste!» Le tubiste prit sa place et siffla une mélodie tirée du 2e mouvement de la «Marche des Clowns Apoplectiques». Miracle! La soprano se tut. Le foule était en délire! C'était elle, avec sa voix à perturber des chromosomes, qui avait déclenché cette réaction en chaîne complexe et sonore, alors la foule en redemandait. Le tubiste redoubla d'ardeur, s'imaginant que c'était lui que la foule adorait. Si seulement ils avaient su que l'instrumentiste était tordu, c'est certain que c'est celui-là qu'ils auraient vénéré et non cette gorge déployée de laquelle émergeaient ces sons déments au devant de la scène. Lorsque le rideau tomba, à la fin du spectacle, tout le monde était content, et le chef alla se débarbouiller tranquillement.

Ninon veut partir vers le Sud

Ninon est sur la montagne de son désespoir. Elle ne peut plus pratiquer son ascension, il ne reste que quelques mètres à franchir, mais ses cordes l'ont laissé tomber. Elle appelle un hélicoptère à la rescousse, mais vingt minutes plus tard, les piles sont déchargées. On l'a mise on hold trop longtemps. L'hélicoptère ne viendra pas. Il faut qu'elle redescende à pied. Pour se donner du courage, elle se met à chanter «Quand on se donne» de Francis Martin, sans s'apercevoir que les oiseaux tombent du ciel raide mort. Quelle voix! Serait-ce le début de la fin de ses tourments? Avec un peu plus de courage, elle entonne «Comment ça va?» de René Simard. Cette fois, les oiseaux la saisissent par les épaules et l'aident à se déplacer. C'est plate que ce soit le printemps et que les oiseaux ne fassent que le seul trajet du Sud au Nord. Cela signifie que Ninon ne reverra pas la Bolivie de sitôt. Arrivée à Resolute, elle drague un ours polaire, qui ne comprend pas ce qu'elle dit. Elle a beau lui présenter son meilleur air «bête»... i' catche pas pantoute! Elle lui chante alors des «psssch» de Pepsi. Mais l'ours polaire, comme on le sait, est une marque déposée de Coca-Cola, et il crie au meurtre dès qu'on l'approche. Oupsi! lance-t-elle! Comment utiliser mon talent contre lui et finir par retrouver ma vallée bolivienne? C'est alors qu'elle a une idée: il lui suffit de chanter l'hymne des Québécois-en-Floride, qui viendront la prendre par les épaules, vers la Sud! C'est ça! Elle deviendra Américaine, via les Québécois! Elle pourra alors s'acheter une arme et, enfin... revoir sa belle vallée!



© 2003
Jocelyn Gagnon et Josée Savard


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