Accueil > Lai©tu®e > Les draps de Toutatis
Collaboration par courrier électronique
Dernière mise à jour: jeudi 6 septembre 2001
Noir = Jocelyn
Bleu = Mélanie

Les draps de Toutatis
par Jocelyn Gagnon et Mélanie Cossette-Gagnon
en cours depuis le 7 mai 2001

Un océan de bitume crache à travers les yeux de l'enfant qui regarde la télé trop longtemps. C'est quand la télé le regarde et se moque de lui que tous les gratte-ciel qu'il a dans la tête se métamorphosent en condominiums pastels prurigineux. D'une phase hyperactive, toujours à grimper sur les coins de portes en dehors des séances bétonnées, il passe alors à un calme presque spongieux. Et si l'écran cathodique le regarde encore c'est pour mieux lui inculquer des saveurs inaudibles, ou si peu.

Lorsque enfin, on le voit apparaître debout sur son cheval, la couche pendue jusqu'aux oreilles, le hennissement urbain de son compagnon le fait culbuter brusquement. Il atterrit contre un champ de trèfle prépubaire, tout bourgeonnant d'excitation. Alors, pour être certain de gambader à son aide, il musèle sa monture avec sa couche de coton. L'effet est drastique et instantané: toute une industrie se construira autour de l'excitation bourgeoise irlandaise. À partir de ce moment, le cheval se révolte, indigné par la peau des fesses qui lui gratte, gratte, gratte.

Pendant ce temps, les parents de l'orphelin télévisuel entament une poursuite triviale contre le géant des antennes. «C'est qu'il est tout mignon, le pauvre chou.», clame l'inspecteur en mâchouillant distraitement un sapin sent-bon. Papa la trouve très drôle. Pas maman. Le géant des antennes prend maman dans sa main verte et dit: «Par Toutatis et poil d'écrevisse, vous serez transformée en pylône électrique.» C'était là l'expression d'une vengeance terrible contre les esprits anti-télécommuniquants. Les conséquences en furent apoplectiques: la forêt boréalo-amazonienne se mit à intégrer à travers ses branches de l'électricité végétale tout ce qu'il y a de plus écologique, et en plus la cervelle de cette mère éplorée se métamorphosa en d'innombrables vers luisants dans le ciel antarctico-tropical. Le silence fut ensuite complet, puis, sans veston ni cravate, un murmure s'éleva. C'était le murmure sans lamentations, le murmure mûr. Depuis des générations, ce silence venait par vague. On lui déroulait le tapis rouge et le bord du verre pour gagner. Toujours, il emplissait l'air de sa non-présence, et toujours, on devenait tympano-déprimés à force de l'ouïr. Mais cette fois, c'était véritablement un raz-de-musqué digne de ce nom. L'immense et menaçante vague poilue grombissait dans les remparts. La Citadelle souriait à rebrousse-poil et le prix du lait augmentait à vue de nez.

C'est précisément ce moment que notre super poupon équestre choisit pour entamer des études de physique méphistopatatipopulanticoin-cointique. Une science qui ne se possède pas tellement elle a de pavés dans la mare. Le grand prophèteur, empoignant sa canne, tonitrua à tout rompre et refusa systématiquement d'associer sa science à la Bourse. Il eut fallu que la plus-value fut poilue. Mais sa grande et nouvelle connaissance aux limites mal établies fit boule de crème glacée aux pacanes. Ainsi, de nombreux adeptes, tous aussi pré-fœtaux les uns que les autres, se mirent à prêcher cet art millésimien. Les contrées lointaines furent donc prises d'assaut et c'est ainsi que le géant vert brisa ses antennes.

Un des coins de porte sur lesquels l'enfant avait grimpé se mit alors en colère!

- Nous ne tolérerons pas un tel remue-ménage dans les ribosomes interstalactites! Quel fatras, quel patatras!

Les vers luisants retinrent alors leur souffle puis recrachèrent Lucie, Hollandaise fort bien torréfiée. Maman n'en put plus, et dans un grand cri qui ressemble à celui du gars dont la blonde meurt dans le film alors qu'il est penché sur elle lorsqu'il se retourne vers le ciel en pleurs (le gars, pas le ciel), elle enfila un sparadrap format blouson et brûla tous les calorifères de la journée. Toutatis était dans de beaux draps. C'était sans scrupules. Sans vergogne et pas de bon (sens, leur agent double) n'en crurent pas leurs yeux, ni les autres (sens). Les trois compères, dont l'un s'était ainsi métamorphosé momentanément, le temps d'un sparadrap (lire "support à draps", car Toutatis avait des problèmes de chésseuze) en héroïne beattlelienne qui joue au rugby avec des diamants, perdirent de leur luisance proverbiale.

La télé se met les poings sur les hanches. Si ça continue comme ça, se dit-elle, il va sans dire. Sans dire! Sans dire! Mon petiot, viens là voir ta grande cathode!

Émergeant d'un semi-sommeil de plâtre, le rejeton s'étira les mandibules et se traîna jusqu'au champ de trèfle. L'apparition de ses cupules sous les yeux suscita une vive réaction de la part de ses joues. Heure de football brésilien au bas de l'écran, elle était traduite en minutes de rugby. Éléonore était mal foutue. Affublée de sphygmomanomètres à paillettes, elle était fin prête à effectuer la danse des pins-pons, au cas où le feu serait aux poudres. Saperlijenesuispasprette, se dit-elle en pensant aux vaches dont les pis étaient moins ramides qu'avant. Le fromage en forme de cocarde les contemplait du haut de ses trente siècles et sentait le bicorne séché. Plus tard, on dira que le spermicide à roulettes n'a en aucun cas bon goût. On clamera de même sur les cadres de porte (fortement épris des coins) que l'olfaction de tels effluves aux consonances aisselliennes serait potentiellement fatale. Nous verrons goutte que goutte l'obscurité naissante après la neige nocturne.


*      *      *

Un reflux de bitume avale les yeux de l'enfant qui dort en couleur une fois sur deux. C'est quand son rêve le regarde et pense à l'envers que tous les pont-levis qu'il a sur les oreilles se prestidigitationnent en huttes de castor fushia lubrifiées. D'un sommeil d'aluminium, toujours à roupiller sur les coins de cuvette hormis quelques soubresauts d'évacuation multicolore, il passe alors à une phase trémulante. Et si le songe lui fait encore une œillade c'est toujours entre deux paupières fades comme des fausses crêpes bretonnes, ou presque décoiffées.

Lorsqu'on le met sur son podium, ses orteils écrabouillant les lauriers luisant de la vergogne moulue des cigognes vermoulues, le chuchotement macabre des tours à bureaux baraqués le fait éternuer nonchalamment. Il expire puis expire les pollen moutonneux, tout épatant de patati patata. Alors, pour pouvoir bien écrapoutir à qui mieux mieux, il pratique une excision buccale sur les immeubles du coin à l'aide de ses doigts de pieds. Le résultat est pathétique et suranné: des foules en tiers tripleront les rivières autour de forges mal soudées. À partir de cet instant, les lauriers fondent, démoralisés par la surface de son crâne qui…

(la suite ici, bientôt, au fur et à mesure…)


© 2001
Jocelyn Gagnon et Mélanie Cossette-Gagnon

Accueil > Lai©tu®e > Les draps de Toutatis